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Note sur la protection internationale (A/AC.96/1178)

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Comité exécutif du Programme du Haut Commissaire
Soixante-neuvième session
Genève, 1er au 5 octobre 2018
Point 4 a) de l’ordre du jour provisoire Examen des rapports sur les travaux du Comité permanent Protection internationale

Note sur la protection internationale

**Rapport du Haut Commissaire

Résumé

La présente note examine les développements en matière de protection internationale de juin 2017 à juin 2018, période importante tant pour les personnes relevant de la compétence du HCR que pour les pays et les communautés d’accueil, étant donné que la communauté internationale travaille à l’adoption d’un Pacte mondial sur les réfugiés.

D’une manière générale, la note est structurée autour du Cadre d’action global pour les réfugiés et des principaux éléments du projet de Pacte mondial sur les réfugiés, rappelant la centralité de la protection et reflétant les développements pertinents sous l’angle de la protection et des solutions.

En outre, elle examine la situation des déplacements internes dans le monde, à l’occasion du vingtième anniversaire des Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays, ainsi que la situation des apatrides.

Sauf indication contraire, les documents cités dans la présente note sont disponibles à www.refworld.org.

I. Introduction

  1. En 2017, le nombre de personnes contraintes de fuir leur pays à cause des persécutions, des violations des droits de l’homme, des conflits armés, des violences et des troubles à l’ordre public, relevant du mandat du HCR, est passé à 19,9 millions, alors qu’il était de 17,9 millions en fin 2016. En outre 5,4 millions de réfugiés palestiniens relèvent du mandat de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies et 40 millions d’autres personnes se sont déplacées à l’intérieur de leur propre pays.

  2. L’éclatement de la violence en République centrafricaine, la poursuite des combats en République arabe syrienne et au Yémen, et le conflit associé à l’insécurité alimentaire en Somalie et au Soudan du Sud ont continué à provoquer des déplacements. Dans le même temps, de nouveaux mouvements internes et transfrontaliers ont été alimentés par l’insécurité, notamment au Burundi, en République démocratique du Congo, en Iraq, en Libye, au Myanmar et dans les régions septentrionales et centrales du Mali. La détérioration de la situation au Venezuela (République bolivarienne du) a également provoqué le déplacement de Vénézuéliens à travers les frontières, portant à plus de 1,5 million le nombre d’arrivées dans les pays voisins depuis 2014. Même si l’accord de paix en Colombie a été une avancée importante, plusieurs régions ont été touchées par le trafic de drogue, l’exploitation minière illégale et la présence de groupes armés. Entre août 2017 et avril 2018, les violences et les graves violations des droits de l’homme dans le nord de l’État de Rakhine au Myanmar ont contraint environ 687 000 Rohingya apatrides à fuir le pays, dans l’une des situations de réfugiés ayant connu l’évolution la plus rapide en deux décennies. En Afghanistan, la violence et l’insécurité ont continué à provoquer des déplacements, remettant en cause la durabilité des retours.

  3. Dans ce contexte, le régime international de protection des réfugiés demeure plus que jamais important. Dans le cadre du suivi de la Déclaration de New York pour les réfugiés et les migrants (Déclaration de New York), adoptée en septembre 2016 par l’Assemblée générale, des parties prenantes se sont réunies en 2017 pour des discussions thématiques en vue de proposer des idées pour le Pacte mondial. S’inspirant de plus de 65 années de droit et de pratique, des premières leçons tirées de l’application du Cadre d’action global pour les réfugiés et des résultats des consultations formelles ayant eu lieu en 2018 entre les États, le Pacte mondial vise à combler les défaillances actuellement constatées dans la réponse internationale pour les réfugiés, afin notamment d’assurer un partage plus équitable et plus prévisible de la charge et des responsabilités entre les États, grâce à une approche multipartite. L’année 2018 est donc importante pour les réfugiés ainsi que les pays et les communautés d’accueil. Elle marque par ailleurs le vingtième anniversaire des Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays.

  4. Cette année, la note sur la protection internationale se focalise sur la centralité de la protection ayant sous-tendu les préparatifs pour le Pacte mondial sur les réfugiés. Organisée d’une manière générale autour des principaux domaines du projet du Pacte mondial, elle décrit les développements ayant eu lieu dans le monde de juin 2017 à juin 2018.

II. Centralité de la protection

  1. La protection est au centre de toute réponse humanitaire. Dans la pratique, elle suppose des activités visant à garantir le plein respect des droits des personnes, dans le respect du droit international humanitaire et du droit international relatif aux réfugiés et aux droits de l’homme. En d’autres termes, la réponse humanitaire améliore l’accès à ces droits, que ce soit au début d’une situation d’urgence, dans des situations prolongées ou lors de la recherche de solutions. Les considérations relatives à la protection imprègnent les actions humanitaires en faveur des réfugiés et d’autres personnes ayant besoin de la protection internationale, des apatrides et des déplacés internes. Elles doivent commencer avec le renforcement des cadres juridiques grâce auxquels leurs droits sont garantis, sans toutefois s’y limiter.

  2. Le cadre juridique de protection des réfugiés repose essentiellement sur la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés (Convention de 1951) et son protocole de 1967, ainsi que sur des instruments régionaux spécifiques. Il s’inspire des instruments internationaux pertinents relatifs aux droits de l’homme, du droit international humanitaire et d’autres normes juridiques internationales. Conformément à son mandat, le HCR continue à travailler avec les États pour encourager l’adhésion à la Convention de 1951 et à d’autres instruments pertinents, et orienter quant à leur interprétation et leur application, notamment par l’engagement dans des processus législatifs et judiciaires nationaux et régionaux. L’Organisation a soutenu l’élaboration, par la Ligue des États arabes, de la Convention arabe sur les réfugiés ainsi que la réforme du Système européen commun d’asile. Des développements prometteurs au plan législatif ont eu lieu grâce à l’application du Cadre d’action global pour les réfugiés, notamment à Djibouti et en Éthiopie.

  3. Le HCR a soutenu la mise au point de la législation nationale dans près de 80 pays.
    Pour orienter l’interprétation et l’application des normes juridiques de protection, le HCR a publié le texte intitulé « Guidelines on international protection on the applicability of Article 1D of the 1951 Convention to Palestinian refugees” (Guidelines on International Protection No. 13) » (Principes directeurs sur la protection internationale relatifs à l’applicabilité de l’article 1D de la Convention de 1951 aux réfugiés palestiniens (Principes directeurs sur la protection internationale no 13)). L’Organisation a également publié beaucoup de documents juridiques d’orientation et des orientations spécifiques aux pays sur l’éligibilité. En novembre 2017, le HCR a signé un mémorandum d’entente avec le Marché commun du Sud (MERCOSUR) pour promouvoir le droit international relatif aux réfugiés et l’adhésion aux instruments internationaux de protection, ainsi que des activités communes pour la protection des personnes déplacées et des apatrides. À la suite de consultations nationales avec les gouvernements et la société civile dans le cadre de l’évaluation triennale du Plan d’action du Brésil, trois consultations thématiques sousrégionales se sont tenues, principalement sur la qualité de l’asile, l’éradication de l’apatridie et les solutions globales, complémentaires et durables. Comme contribution à l’élaboration du Pacte mondial sur les réfugiés, les États d’Amérique latine et des Caraïbes ont publié un document (intitulé « 100 points of Brasilia »1) contenant beaucoup de bonnes pratiques.

  4. Le HCR a travaillé avec les États et les partenaires sur l’identification des populations apatrides et la lutte contre l’apatridie, conformément aux instruments internationaux pertinents, et sur des actions visant à mettre fin à l’apatridie, grâce à la campagne #J’appartiens. Il s’est surtout efforcé d’encourager l’adhésion aux conventions relatives à l’apatridie et la réforme des lois relatives à la nationalité. Cette réforme comprend des mesures visant à promouvoir l’égalité entre l’homme et la femme sur l’octroi de la nationalité à leurs enfants, comme à Madagascar et en Sierra Leone, et à simplifier les procédures administratives concernant notamment l’enregistrement des actes d’état civil. Pendant la période couverte par la note, le Chili a adhéré à la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et à la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie. Le Burkina Faso et le Luxembourg ont adhéré à la Convention de 1961. Cuba a supprimé l’exigence de résidence pour l’acquisition de la nationalité cubaine par les enfants nés à l’étranger de parents cubains, et la Colombie a mis en place, conformément aux instruments régionaux et internationaux, un mécanisme pour appliquer les garanties permettant d’empêcher que les enfants ne naissent apatrides. Le Brésil, le Costa Rica et l’Équateur ont publié des règlements pour favoriser les efforts visant à identifier et protéger les apatrides, et à réduire les cas d’apatridie, notamment sur la naturalisation. En 2017, un nombre important de personnes, qui étaient apatrides ou dont la nationalité n’était pas déterminée, se sont vu octroyer ou confirmer la nationalité, notamment en Indonésie, en Iraq, aux Philippines et en Thaïlande, ainsi que dans divers pays d’Asie centrale.

  5. Au niveau régional, le Plan d’action de Banjul sur l’éradication de l’apatridie 2017-2024, adopté par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest et entré en vigueur en juin 2017, prévoit des mesures concrètes et un calendrier précis. Depuis son entrée en vigueur, le Burkina Faso et le Mali ont adopté des plans d’action nationaux pour éradiquer l’apatridie. En octobre 2017, les États membres de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs ont signé une Déclaration sur l’éradication de l’apatridie les engageant à réformer les politiques et les lois relatives à la nationalité. Une réunion ministérielle sur l’appartenance et l’identité juridique s’est tenue en février 2018 en Tunisie sous le patronage du Président. Convoquée par La ligue des États arabes, en partenariat avec le HCR, cette réunion a abouti à l’adoption d’une déclaration lançant des appels en faveur du droit à une identité juridique pour les enfants et de l’égalité des droits relatifs à la nationalité entre l’homme et la femme. Les pays abritant les réfugiés syriens, travaillant étroitement avec le HCR et les partenaires, ont pu réduire le pourcentage d’enfants syriens sans pièces depuis la naissance, le faisant passer de 35 % à 2,5 % au cours des cinq dernières années.

  6. Les personnes ayant été contraintes aux déplacements, qui n’ont pas encore recherché ou obtenu la sécurité dans un autre pays, font également face aux problèmes de protection. Les Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays, mis au point en 1998, continuent d’offrir un cadre international important pour la protection des déplacés internes. L’engagement du HCR dans les déplacements internes date de plus de 45 ans, et a été reconnu par des résolutions successives de l’Assemblée générale. Au plan mondial, le HCR dirige les groupes chargés de la protection, des abris ainsi que de la coordination et de la gestion des camps. Il dirige aussi 25 des 35 groupes nationaux chargés de la protection et d’autres mécanismes de coordination interinstitutions pour la protection, notamment en République centrafricaine, en Iraq, au Nigéria, au Soudan du Sud et en République arabe syrienne. En septembre 2017, il a finalisé une revue de son engagement dans les situations de déplacement interne, en vue de travailler d’une manière plus prévisible dans tous les aspects du déplacement.

  7. En Afghanistan, le HCR a renforcé la protection des déplacés internes, grâce à l’assistance en nature, aux interventions en espèces pour couvrir les dépenses médicales et la fourniture de l’aide juridique. Dans les Amériques, l’Organisation a contribué à développer les capacités locales au Honduras pour renforcer les droits fonciers et de propriété et faciliter les solutions. Elle a aidé les autorités salvadoriennes à établir le profil des déplacés internes, afin d’améliorer la base de preuves et de permettre une réponse efficace. En Afrique, le HCR a travaillé avec des partenaires dans la région du Kasaï en République démocratique du Congo pour collecter les données sur les déplacés internes et leur vulnérabilité grâce à un suivi régional. Au Moyen-Orient, il a favorisé des campagnes d’information visant à permettre aux déplacés internes de connaître leur droit de vote, et a facilité le scrutin dans des camps et des zones d’installation. Les efforts déployés par l’Ukraine pour résoudre le problème de déplacement interne ont abouti à l’adoption d’une stratégie d’intégration et de solution, avec l’aide du HCR.

  8. Dans certaines régions, la dégradation de l’environnement, les catastrophes naturelles et les effets néfastes du changement climatique, notamment la sécheresse, ont exacerbé les déplacements et modifié leur caractère et leur complexité, comme observé dans le bassin du Lac Tchad et la Corne de l’Afrique. S’appuyant sur son expertise au plan normatif et son expérience au plan opérationnel, le HCR a travaillé avec les États et des partenaires pour protéger et assister les personnes touchées par ces phénomènes. Il a aussi fourni de l’appui technique aux parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques concernant les aspects du changement climatique relatifs à la mobilité humaine, grâce notamment à sa participation à l’Équipe spéciale sur les déplacements du Mécanisme international de Varsovie relatif aux pertes et préjudices. Le HCR, l’Université de Georgetown et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) ont mis au point un ensemble d’outils2 permettant d’accompagner les gouvernements dans les processus de relocalisation planifiés, à caractère participatif et menés selon une approche axée sur les droits, en faveur des personnes déplacées ou exposées aux risques. Au vu de l’attention accrue pour les déplacements liés aux changements climatiques, aux catastrophes et aux risques naturels, le HCR a commandé un rapport sur les défis et les opportunités dans ce domaine3.

  9. La protection va au-delà de la promotion de l’adoption de normes juridiques et intègre les activités visant à garantir leur respect dans la pratique. Toutefois, l’action humanitaire devrait, non pas se substituer aux mécanismes communautaires de protection, mais les soutenir conformément aux principes de partenariat et de redevabilité. Les consultations avec les personnes relevant la compétence du HCR sont essentielles pour assurer leur implication dans l’identification et la satisfaction de leurs besoins ainsi que les solutions. Ces consultations ont eu lieu dans les opérations à travers le monde pour éclairer la planification et la réponse aux déplacements de la part des États, du HCR et des partenaires.

  10. En mars 2018, le HCR a mis à jour sa politique en matière d’âge, de genre et de diversité pour veiller à ce que les personnes relevant de sa compétence puissent participer d’une manière significative aux décisions touchant leurs vies. Cette politique tient compte du fait que le déplacement et l’apatridie affectent les gens de diverses manières, et qu’il faudrait analyser et comprendre les considérations personnelles pour que les réponses soient efficaces. Elle propose des actions concrètes pour mettre en oeuvre les programmes tenant compte de l’âge, du genre et de la diversité, et mesurer leurs résultats, notamment la collecte de données distinctes ; la participation et l’inclusion ; la communication et la transparence ; le retour d’information et la réponse ; l’égalité des sexes dans la prise des décisions, la gestion et la direction communautaires. Elle couvre l’accès à la documentation, à l’assistance, aux possibilités économiques et aux services globaux visant à prévenir et lutter contre les violences sexuelles et de genre.

  11. Encourager la participation de jeunes réfugiés est resté un point essentiel pour le HCR. Le Conseil consultatif mondial du HCR pour les jeunes a proposé des recommandations pour le Pacte mondial sur les réfugiés, notamment lors des discussions thématiques ayant eu lieu en 2017. Dans la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA), le HCR et le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) ont organisé des consultations nationales pour les jeunes impliquant des autorités publiques, la société civile et des représentants de jeunes déplacés, pour rechercher les possibilités d’améliorer les programmes pour les jeunes. Au Pakistan, l’Initiative Refugee Affected and Hosting Areas a mis l’accent sur la responsabilisation des jeunes par l’éducation, la formation professionnelle et l’appui pour les moyens d’existence. Le Fonds de l’initiative du HCR pour les jeunes a permis de soutenir plus de 40 projets en matière de protection, dirigés par des jeunes, en mettant l’accent sur l’engagement des jeunes et la cohésion sociale. Des initiatives sportives contribuent également à promouvoir l’inclusion sociale ainsi que des espaces sûrs pour les enfants et les jeunes. Parmi ces initiatives, on peut citer la mise en place par le Comité international olympique d’une Fondation olympique pour les réfugiés et la Campagne #SignAndPass du HCR et de la Fondation du Football Club de Barcelone.

  12. La lutte contre la discrimination et les stéréotypes néfastes liés au genre constitue un autre domaine inextricablement lié à la protection. Le HCR a mené des initiatives visant à assurer la cohésion sociale et à mettre fin aux clivages culturels. Ces initiatives comprennent l’appui aux festivals alimentaires pour les réfugiés dans 13 villes d’Europe et la poursuite de la série No Stranger Place, établissant le profil de réfugiés et de leurs familles d’accueil par de puissants récits médiatiques4.la poursuite de la série No Stranger Place, établissant le profil de réfugiés et de leurs familles d’accueil par de puissants récits médiatiques4.